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ENTRETIEN /Extrait de "Où en étions-nous demain ?" premier volume de la Collection KOAN de I à XII

Quelle est votre proposition de valeur, que proposez-vous aux collectionneurs ? 

Je leur propose des œuvres accompagnées de leur écosystème.

C'est à dire ?

Des œuvres accompagnées de leurs Chaînes de Valeur. En important les usages du monde de l'art dans l'univers des NFT j'ai aussi importé ses valeurs et ses chaînes de valeur. Dans le protocole NFTM on retrouve la hiérarchie du marché de l'art, ses œuvres originales, ici des NFT Matriciels, leurs multiples, les NFT Multiples, et leurs copies autorisées, les NFT Messengers.

Le monde de l'art va vous envier ce modèle ! Dans une de vos Notes vous dîtes que les NFT en sont à "l'ère pariétale" de leur évolution, que voulez-vous dire ?

Nous en sommes encore à dessiner des singes sur les parois des blockchains, nous n'en sommes pas à créer des blockchains dans le prolongement des ateliers d'artistes.

C'est ce qui va se produire ?

En s'installant dans les métavers les ateliers d'artistes vont se transformer en blockchains et leurs sites en marketplaces peer to peer. C'est l'apport de la décentralisation au monde de l'art.

La spéculation autour des NFT s'est éloignée, quelle est la tendance actuelle ? 

En ce moment l'accent est mis sur l'usage des NFT. Les entreprises leur cherchent des usages professionnels et les particuliers ont bien compris que c'est à partir de protocoles NFT que vont se construire leurs doubles numériques. Nous entrons dans une phase d'apprentissage collectif à partir de laquelle vont émerger les prochains usages des NFT. 

Le secteur du luxe est très avancé dans l'usage des NFT.

C'est vrai. Sous certains aspects le monde de l'art l'est aussi, mais il manque de formats faciles à utiliser et de protocoles communs à tous les arts, il faut les créer. 

J'ai l'impression que ce que vous proposez avec les Chaînes de Valeur est autre chose qu'un simple écosystème, que c'est la réunion de plusieurs business-model, je me trompe ?

"KOAN BY JMG" est une œuvre de temps long, elle est le fruit d'un long travail de maturation.

Au fil du temps les pièces qui la constituent, dessins, musiques, écrits, installations, ont développé le même ADN et les mêmes business-model. Ils sont aujourd'hui réunis dans les Chaînes de Valeur, effectivement.

 

Combien de Chaînes avez-vous créé ?

424, autant qu'il y a de NFT Matriciels dans mes collections. 

Votre approche n'est pas très éloignée des projets MNBC des banques centrales, il y a le même souci de rassemblement, c'est surprenant.

Ce n'est pas très étonnant, les œuvres d'art sont des véhicules financiers comme les autres, "le frisson en plus". 

Sur quelles plateformes se trouvent vos NFT ? 

Aucune, ils sont intégrés aux Chaînes de Valeur.

Et les Chaînes de Valeur ?

Elles sont livrées dans des cold wallets. 

Là aussi vous innovez. À quel public s'adressent vos collections ? 

À un public élargi qui va des professionnels du milieu de l'art aux collectionneurs de cryptoactifs, en passant par les gestionnaires de fonds de la finance traditionnelle.

Est-ce que les Chaînes de Valeur ont toutes le même nombre de NFT ? 

Celles adossées aux ouvrages de la collection "KOAN de I à XII" en ont 74 - ou 222 lorsqu'ils sont regroupés en trilogies - celles adossées à la collection "KOAN de A à Z" en ont 158, celles adossées à la collection "KOAN CARDS" en ont 20.

 

Leurs acquéreurs peuvent-ils les gérer librement, par exemple garder certains NFT et revendre les autres ?

Bien sûr. Les cold wallets sur lesquels sont livrées les Chaînes leur appartiennent, ils peuvent décider librement de ce qu'ils font des NFT de leurs chaînes. Ils peuvent en revendre certains immédiatement s'ils veulent récupérer leur investissement du départ, tous les revendre ou bien tous les garder s'ils en font un investissement à long terme. Toutes les options sont possibles. Les Chaînes de Valeur sont des réserves de valeur.

Quel conseil leur donnez-vous ?

Je pense qu'il est judicieux de garder les Masters, l'œuvre originale créée sur un support connecté et son double numérique, le NFT Matriciel, car ce sont des pièces rares, leur valeur ne fera qu'augmenter. 

C'est à partir de ces Masters que sont créées les Chaînes de Valeur, c'est bien ça ? 

C'est ça, et il n'y en a que 424, c'est peu.

J'ai remarqué que toutes vos œuvres étaient connectées, les livres, les dessins, les

installations, d'où vous vient cette frénésie de contacts ?

Il ne s'agit pas d'une frénésie, mais d'une organisation transmedia. Lorsque les médias sont reliés entre eux il est possible de prolonger les écrits par des musiques, par des films, des vidéos, des dessins… Ce qui n'est pas dit dans un dessin peut l'être dans une nouvelle qui l'accompagne, ou la musique qui le complète. L'ouvrage "Arbres à chaises" illustre bien ce process. Lorsqu'on passe à proximité d'un de ces arbres on capte la nouvelle qui lui est consacrée, la musique qui accompagne cette nouvelle et le film qui a été tourné le jour de l'installation. À partir de ce contact se met à exister une nouvelle œuvre numérique, un NFT transmedia que le passant va pouvoir conserver. 

C'est une dynamique complexe.

Pas tant que ça, mais il arrive que le contact entre deux disciplines ne fonctionne pas comme je le voudrais, je dois parfois supprimer des liens et en créer d'autres. La spirale passe alors par un autre chemin, ou une autre matière première, par exemple un vêtement dans lequel j'ai glissé un fil RFID, ou une peinture truffée de Nanotags. 

C'est un travail de haute couture.

Je dirais plutôt que c'est un travail de "Chef", on crée un plat, on le goûte, s'il est bon on le garde, s'il ne l'est pas on recommence. En art on crée des recettes qui n'existaient pas auparavant.

C'est comme ça que vous avez créé la génération NFTM ?

Je l'ai créée parce qu'elle manquait à ma palette. Les artistes créent toujours ce qui leur manque,  Yves Klein a créé le bleu Klein, moi j'ai créé les NFTM. 

Il est possible que les NFTM deviennent un nouveau standard pour le milieu de l'art.

Pour qu'il y ait standardisation il faut qu'il y ait massification de l'usage, consensus et régulation. Les NFTM en sont encore loin !

Avez-vous d'autres modèles en préparation ?

Récemment on m'a demandé de réfléchir à la création d'un "Passeport Matriciel Universel" qui relierait nos passeports officiels à ceux de nos doubles numériques.

L'idée vous plait ?

L'idée d'universalité me plait bien.

Lorsque vous réfléchissez aux NFT quelle est la première idée qui vous vient ? 

En y réfléchissant bien, les NFT sont comparables à des livres dans lesquels on aurait glissé des billets de banque entre les pages. Ils produisent de la valeur avant même d'exister, avant même de véhiculer des messages, d'où la spéculation qui les a entourés.

Nous voilà loin des PFP !

Les "Picture For Profile" me rappellent une réflexion de Sainte Beuve au sujet de Montesquieu, il disait : "Son profil bien dessiné semblait fait pour la médaille". Je me demande bien qui a un profil fait pour les BAYC de Yuga Labs !

Revenons à vos créations. Dans "KOAN volume II" vous avez écrit ceci : "Le livre est à un carrefour de son histoire, il peut basculer dans le vide à tout moment et entraîner la lecture avec lui, nous devons lui offrir de nouveaux territoires et de nouvelles perspectives". Expliquez-vous.

Jusqu'ici le livre a très bien résisté aux assauts de la dématérialisation, mais l'arrivée de l'IA représente un danger autrement plus important que celui du livre numérique homothétique. Il est cette fois-ci question de l'authenticité et de l'intégrité de l'écriture, et par voie de conséquence de l'intérêt pour la lecture. Basculer dans le vide peut prendre la forme d'un abandon du savoir-faire de l'écrivain, de l'abandon du style dans la littérature, ou de l'abandon du rôle de l'éditeur. Si on veut que le livre reste un support culturel fiable et durable il faut le faire évoluer et le soustraire aux décisions de l'IA. 

C'est ce que vous avez fait en créant le Livre Connecté, vous l'avez fait évoluer.

Certes, mais je l'ai créé en 2015, cela fera bientôt dix ans, une éternité. À ce moment-là, lorsque j'évoquais la création d'un livre numérique d'occasion, on me répondait :"Il n'existera jamais, le livre numérique sera toujours neuf" (sic) Le temps a passé, les pure players du livre numérique, dont je faisais partie, ont fermé leur porte et les mentalités ont changé. Aujourd'hui les approches sont différentes, la mutation du livre peut être envisagée autrement, en sachant que les nouveaux projets doivent intégrer le concept du livre connecté dans leurs gènes, car tous nos objets vont devenir des objets connectés.

Vous me disiez tout à l'heure que le livre NFT allait remplacer le livre numérique, à quoi va-t-il ressembler ?

À une plateforme décentralisée capable d'accueillir toutes les écritures et gérer tous les droits. C'est à partir du livre NFT que le langage transmedia va se déployer et que les contenus des livres papier seront propulsés sur les marchés du Web 3.  C'est aussi à partir du livre NFT que le livre numérique d'occasion va voir le jour et que les nouveaux supports de la musique vont se développer.  

Vous travaillez depuis longtemps à la création d'un livre transmedia, est-ce que l'arrivée des blockchains a changé quelque chose ?

Depuis l'arrivée des blockchains, et des smart-contracts, la jonction entre les différents temps des médias se fait plus facilement. Cela annonce la création d'un "temps transmedia" commun à tous les médias et à toutes les disciplines artistiques. C'est une avancée majeure pour les créateurs, ils vont avoir à leur disposition un "nouveau temps" et de nouveaux territoires à explorer.

 

Dans un récent article de "Livres Hebdo", Stéphanie Le Cam, directrice de la Ligue des auteurs professionnels, s'inquiètait de la situation du droit d'auteur face à l'IA. Quelle est votre position ?

Je pense qu'essayer de protéger les anciens droits n'est pas la bonne voie, il faut en créer de nouveaux, ce sera plus efficace. Ce qui n'empêche pas, bien évidemment, de tout faire pour que les anciens droits soient respectés jusqu'au basculement vers de nouveaux systèmes de gestion. L'IA ne se développe pas à partir d'anciennes structures mais à partir de nouveaux protocoles qui échappent aux sociétés de gestion collective.

Avec l'arrivée de l'IA ces sociétés vont disparaître ? 

Pas du tout, elles vont s'adapter, comme elles l'ont toujours fait, et resteront garantes de la pérennité des œuvres et des droits y attenant. Les organismes de gestion collective, comme la Sacem, par exemple, doivent continuer à faire ce qu'elles savent faire et font très bien, "le monde entier nous l'envie", mais elles vont devoir intégrer de nouveaux savoir-faire et étendre leur pouvoir d'action.

De quelle manière ?

Les maisons de disques sont devenues des "Maisons d'artistes", les maisons d'édition vont devenir des "Maisons d'auteurs" et les organismes de gestion collective des "Distrifuseurs de valeur". La réflexion sur le droit d'auteur doit être menée à partir d'ancrages décentralisés. Une grande partie de ce qui est encore centralisé va disparaître et ne sera pas remplacé. 

Quelle est la bonne méthode, quelle pratique employer ?

Il faut créer de nouveaux concepts numériques, planter de nouvelles idées, les protéger par des actes juridiques forts, rédigés avec le concours des ayants droits les plus pauvres, et arrêter de confier aux anciennes structures la construction des nouveaux mondes, elles ne sont pas faites pour ça.

Quel est l'apport des smart-contracts dans le monde de l'art ? Vous pensez vous aussi qu'ils vont jouer un grand rôle dans la gestion des œuvres ?

Ce sont eux qui vont régler "les horloges de la valeur des œuvres" en même temps qu'ils gèreront celles des produits financiers qui leurs sont rattachés. Dans le passage du Web 2 au Web 3, les smart-contracts vont avoir un rôle fédérateur, beaucoup de marketplaces l'ont compris et sont en train de créer de nouveaux modèles de smart-contracts.

En réponse à une question qu'on vous posait récemment sur la répartition de la valeur dans vos Chaînes de Valeur, vous avez répondu que c'était "une valse à trois temps".  Que vouliez-vous dire ?

Quel que soit le domaine, la valeur se déploie sur trois temps différents simultanément, un temps de réserve, qui est un temps long, un temps d'échanges, qui est un temps court et répétitif, et un "entretemps", qui est celui de la communication.

Vos NFTM ont apparemment la même répartition.

Oui. Le temps long est celui des NFT Matriciels, le temps court celui des NFT Multiples et "l'entretemps"celui des NFT Messengers. 

Vous dites souvent que votre œuvre est hybride et protéiforme, pensez-vous que l'hybridation soit un passage obligé dans l'art contemporain ?

Personne ne peut faire l'économie d'une hybridation entre le monde réel et les univers parallèles des métavers, pas plus qu'on ne peut se soustraire à la construction de ponts entre les supports physiques et les formats dématérialisés, ce sont des passages obligés.

 

Il est possible que l'IA s'empare de ce passage, cela ne vous fait pas peur ?

L'IA n'est pas un monstre assoiffé de sang ! En parlant de l'IA, Gregory Chatonsky dit une chose très juste :"Plutôt que juger d'avance, comprenons ce qui nous arrive".

Et vous, que dites-vous ?

Avec l'IA le problème n'est pas ce qu'on peut en faire, "c'est ce qu'on n'en fait pas".

Très juste aussi. Comment abordez-vous les métavers et le Web 3 ? 

Ce sont deux mondes différents. Le web 3 est le pré carré du marketing, le métavers celui de nos doubles numériques. Du côté marketing pourvu qu'on nous épargne une énième version de "l'expérience-client immersive", ça ne fait même plus rire les ados, et du côté double numérique pourvu qu'on ne nous oblige pas à utiliser des avatars fournis par "L'entrepôt du Bricolage" ! (Rires)

Qu'est-ce ce qui caractérise le plus la période que nous traversons ?

Nous sommes en train de passer de l'ère du savoir-faire à celle du savoir-être, c'est un passage délicat qui réclame un certain doigté et ne peut se traiter à coup de formules magiques. Le moment est venu de créer "des usages intéressants plutôt que des usagers".

Je suis d'accord avec vous. Qui va arbitrer ce passage, nous, ou nos doubles numériques ?

Nous allons nous partager le travail. À eux le savoir-faire, à nous le savoir-être. Ce passage va nous mettre devant un choix crucial pour notre avenir, nous allons devoir choisir entre le modèle bienveillant des démocraties et celui abject et ingrat des autocraties guerrières. Entre les deux il y a l'envie de tout quitter, l'envie de choses neuves.

À votre avis, qui va l'emporter, la démocratie ou les autocraties guerrières ?

L'envie de choses neuves.

 

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